Ulcère gastro-duodénal lié à l’infection à Helicobacter pylori
L’helicobacter pylori est un bacille gram négatif spiralé qui résiste à l’acidité gastrique grâce à une activité uréasique et qui colonise le mucus de la surface de la muqueuse gastrique, principalement au niveau de l’antre (Figure n°1).
L’acidité de l’estomac est très important puisque le PH est environ de 2. La bactérie ne peut vivre que deux heures dans ce milieu. Grace à son activité uréasique qui correspond au fait que l’H.pylori possède une enzyme » l’uréase » en grande quantité, elle va pouvoir y rester beaucoup plus longtemps.
Cette enzyme hydrolyse l’urée normalement présente dans l’estomac et libère ainsi de l’ammoniaque qui va tamponner l’acidité du milieu suffisamment longtemps pour permettre à la bactérie d’atteindre, à travers le mucus, les cellules de la muqueuse, la où le PH est voisin de la neutralité, c’est à dire 7. Il a été démontré que la grande mobilité de l’H.pylori et sa morphologie spiralée lui permettent de traverser le mucus beaucoup mieux que les autres bactéries.
L’infection à H. pylori est contractée le plus souvent dans l’enfance par voie oro-orale ou oro-fécale. Elle affecte la majorité des individus dans les pays en voie de développement. En revanche, son incidence dans les pays développés a régulièrement diminué au cours des dernières décennies en raison de l’amélioration des conditions d’hygiène. Cela explique dans ces pays la faible prévalence de l’infection dans les générations les plus jeunes alors qu’elle atteint encore 50 % chez les sujets de plus de 60 ans.
Mais lors d’une atteinte gastro-duodénale, sa prévalence est élevé, faisant ainsi de la majorité des ulcères gastriques et duodénaux une maladie « infectieuse ». En effet, l’Helicobacter pylori est retrouvé dans 70% des ulcères gastriques et dans plus de 90% des ulcères duodénaux, contre 30% dans la population générale.
L’infection se traduit par une gastrite aiguë évoluant vers la chronicité dans la majorité des cas qui peut se compliquer d’un ulcère gastrique ou d’un ulcère duodénal. Les autres complications plus rares sont l’adénocarcinome gastrique et le lymphome.
Ulcère gastro-duodénal lié aux Anti-Inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Environ un tiers des ulcères compliqués sont attribuables à la prise d’AINS ou d’aspirine à faible dose.
Les propriétés thérapeutiques des AINS non sélectifs reposent sur l’inhibition des cyclooxygénases (COX 1 et 2) qui sont des enzymes qui transforment l’acide arachidonique en prostaglandines.
L’inhibition de la synthèse des prostaglandines gastro-duodénales altère les mécanismes de défense de la muqueuse et favorise ainsi la survenue d’ulcères, le plus souvent gastriques que duodénaux.
L’inhibition des prostaglandines va entraîner tout d’abord une diminution du flux sanguin muqueux. Il survient ensuite une adhésion des polynucléaires à la paroi qui entraînent des lésions endothéliales et accentuent la baisse du débit sanguin muqueux, favorisant ainsi le processus inflammatoire dans la muqueuse digestive (Figure n°2). L’inflammation est amplifiée par la production de TNFAlpha stimulée par les anti-inflammatoires dans les macrophages.
Les AINS sélectifs (coxibs) qui inhibent la COX-2 en préservant l’activité COX-1 réduisent le risque de complications ulcéreuses sans toutefois le supprimer.
L’aspirine administrée à faible dose, à visée anti-agrégante, conserve un potentiel ulcérogène et expose au risque de complications hémorragiques.
Ulcère gastro-duodénal non lié aux AINS ou à Helicobacter pylori
Ils sont peu nombreux mais leur proportion est croissante du fait de la régression du nombre liés à H. pylori.
Ils affectent des sujets atteints de morbidités lourdes notamment cardio-vasculaires, rénales, hépatiques ou pancréatiques. Ils sont liés à une altération des mécanismes de défense de la muqueuse gastroduodénale.
Ces ulcères sont différents des ulcères de stress qui surviennent chez les malades hospitalisés en réanimation ayant une ou plusieurs défaillances viscérales et des ulcères de la maladie de Crohn qui ont des caractéristiques anatomo-pathologiques différentes.
Ulcère gastro-duodénal lié au Syndrome de Zollinger-Ellison
L’ulcère duodénal du syndrome de Zollinger Ellison est exceptionnel. Il est lié à une hypersécrétion d’acide induite par une sécrétion tumorale de gastrine (gastrinome).
Autres facteurs intervenants
Les facteurs génétiques
Les facteurs génétiques jouent un rôle probablement dans la maladie ulcéreuse. La prévalence à vie de développer un ulcère dans le premier degré de patients atteints d’ulcère est environ trois fois plus élevé que la population générale.
Ainsi environ 20-50% des patients ayant un ulcère duodénal ont des antécédents familiaux d’ulcère.
Le tabagisme
La littérature montre une forte corrélation positive entre le tabagisme et l’incidence de la maladie ulcéreuse, la mortalité, les complications, les récidives et le retard dans les taux de guérison. Les fumeurs sont environ deux fois plus susceptibles de développer un ulcère que les non fumeurs.
Le tabagisme et H. pylori sont des co-facteurs de la formation de l’ulcère gastroduodénal. Il y a une forte association entre l’infection à H. pylori et le tabagisme chez les patients avec et sans ulcères. Le tabagisme semble diminuer les défenses de la muqueuse gastrique et fournir ainsi un milieu plus favorable à l’infection à H. pylori.
Le stress
De nombreuses études ont révélé des conclusions contradictoires concernant le rôle des facteurs psychologiques dans l’ulcère gastro-duodénal. Le rôle des facteurs psychologiques est loin d’être établie. Les patients atteints d’ulcère présentent généralement le même aspect psychologique que la population générale et la présence d’un plus grand degrés de stress est difficile à confirmer.
Alcool et régime alimentaire
Les études épidémiologiques n’ont pas réussi à montrer une corrélation entre la caféine, le café décaféiné, le coca-cola, la bière et un risque accru de maladie ulcéreuse. En revanche une modification de l’alimentation chez les patients ayant un ulcère n’est pas nécessaire.
De multiples facteurs endogènes et exogènes modulent l’équilibre entre les facteurs agressifs et les mécanismes de défense. Plusieurs facteurs peuvent par la suite entraîner une bascule vers une agression de la muqueuse et donc la formation d’un ulcère.
Références :
- Collège des Enseignants de Gastro-entérologie – Item 290 – Ulcére gastrique et duodénal – 2004
- Dépistage de l’infection à Helicobacter pylori : pertinence et populations concernées – HAS 2010.
- Place respectives de l’endoscopie et du test respiratoire dans le diagnostic et le contrôle de l’éradication de l’Hp – HAS 2003.
- Les inhibiteurs de la pompe à protons chez l’adulte. Bon usage du médicament – HAS 2009
- Recommandations de bonne pratiques « Le bon usage des anti-sécrétoires gastriques chez l’adulte » – AFSSAPS 2007.
- Recommandations de la SFED: Techniques d’hémostase des ulcéres gastriques et duodénaux – HAS 2004.
- Management of bleeding peptic ulcer in France : a national inquiry. Lesur G, Bour B, Aegerter P – Association Nationale des Hépatogastroentérologues des Hôpitaux Généraux. Gastroenterol Clin Biol. 2005;29(2):140-4.
- Bourienne A, Pagenault M, Heresbach D, et al. Étude prospective multicentrique des facteurs pronostiques des hémorragies ulcéreuses gastroduodénales. Gastroenterol Clin Biol 2000;24:193-200.
- Lesur G, Artru P, Mitry E. Hémorragies digestives ulcéreuses : histoire naturelle et place de l’hémostase endoscopique. Gastroenterol Clin Biol 2000;24:656-66.