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Conséquences sanitaires de la consommation d’alcool

La consommation excessive d'alcool a un impact important sur la santé publique en France, tant en termes de mortalité, de morbidité que de dommages sociaux.

Par le Dr Didier Mennecier

La consommation excessive d’alcool a un impact important sur la santé publique en France, tant en termes de mortalité, de morbidité que de dommages sociaux.

Notion de « french paradox »

Le « french paradox » est une notion issue de la constatation qu’en France, la mortalité par maladies cardio-vasculaires est plus faible que celle des pays qui ont un niveau de développement économique et des habitudes alimentaires similaires. Il existe une relation inverse entre la mortalité coronarienne et la consommation moyenne d’alcool : la mortalité est plus faible chez les buveurs modérés que chez les buveurs excessifs et les abstinents. On pourrait retenir que la consommation régulière et modérée d’alcool, deux à quatre verres par jour chez l’homme et un à deux verres chez la femme, semble réduire de 30 à 40 % la mortalité par maladies cardio-vasculaires.

Diverses raisons sont évoquées :

  • L’action de l’alcool sur le métabolisme des lipides : élévation du taux des HDL (High Density Protein) antiathérogènes.
  • Ses effets anticoagulants par la diminution de l’agrégation plaquettaire, du fibrinogène et de certains facteurs de la coagulation, et par l’augmentation de l’activateur tissulaire du plasminogène.
  • L’action antioxydante des polyphénols (en cas de consommation de vin).

Cependant, aucune relation de causalité n’a été prouvée et il paraît difficile de déduire un risque individuel à partir de relations constatées sur des populations spécifiques pour plusieurs raisons.

Dans les diverses études, les abstinents sont mal décrits et ne paraissent pas être un groupe homogène : abstinents primaires/secondaires.

Il existe probablement des facteurs de confusion d’origine hygiènodiététique : activité physique, régimes alimentaires…

Les différences ne sont significatives que pour les personnes âgées de plus de 60 ans ; or la plupart des personnes consommant de l’alcool de manière excessive décèdent avant 60 ans.

La consommation d’alcool, surtout au-delà de 20 g/j, est aussi liée de manière dose-dépendante à une élévation de la pression artérielle, principal facteur de risque vasculaire. La consommation excessive d’alcool est donc plus souvent un facteur de surmortalité cardio-vasculaire.

Par ailleurs, il faut savoir que pour des consommations faibles (un à deux verres par jour) apparaît un risque relatif faible mais significativement élevé de certaines pathologies (surtout les cancers), de telle sorte que pour ces valeurs, la composante de ces risques et des effets protecteurs coronariens est voisine de 1.

L’évaluation de la morbidité de la consommation excessive d’alcool est difficile du fait de la multiplicité des corrélations avec les pathologies somatiques ou psychiatriques qu’elle peut provoquer. Nous détaillerons ces complications dans le chapitre suivant. Il est difficile de fixer une dose d’alcool seuil, pour définir l’alcoolodépendance ou l’abus d’alcool. Il en est de même pour une dose seuil à l’apparition des complications somatiques..

La consommation excessive d’alcool joue un rôle important dans la survenue d’accidents. Elle explique 30 à 40 % des accidents de la route, 10 à 20 % des accidents du travail et 20 % des accidents domestiques.

Mortalité

L’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable en France. L’alcool contribue à 14 % des décès masculins et à 3 % des décès féminins. Entre 45 et 55 ans, cette mortalité représente près de 20 % des décès masculins et 10 % des décès féminins.

En termes de mortalité prématurée, les ouvriers et les employés ont un indice de surmortalité trois fois plus important que les cadres supérieurs et les professions libérales. En outre, cette mortalité se distribue inégalement sur le territoire métropolitain : les zones les plus touchées forment comme un arc de la Bretagne à la Champagne Ardennes, les zones les moins atteintes étant celles du Sud de la France.

Il reste néanmoins difficile de déterminer l’influence exacte de la consommation d’alcool sur la mortalité. On considère que 20 à 60 000 décès annuels sont imputables à une consommation excessive d’alcool. Le chiffre le plus souvent retenu est celui de 23 000 décès (18 000 hommes et 5000 femmes), 23 438 en 1996, dont 2397 (10 %) par psychose ou démence alcoolique, 8960 (38 %) par affections digestives et 12 081 (52 %) par cancer des voies aérodigestives supérieures (lèvre, cavité buccale, pharynx, œsophage, larynx) directement en rapport avec la prise d’alcool (Figure n°1).

Figure n°1 : Pourcentage de décès annuels imputables à une consommation excessive d’alcool

La responsabilité de l’alcool dans les accidents de la circulation n’est pas facilement chiffrable, néanmoins le bilan annuel de la Sécurité permet une évaluation portant sur une part des accidents mortels. Ainsi, sur les accidents étudiés, 31,2 % sont des accidents dans lesquels au moins un conducteur avait une alcoolémie positive. L’alcool serait la deuxième cause d’accidents après les excès de vitesse.

Le chiffre de 45 000 décès serait sans doute plus proche si l’on inclut les décès pour lesquels l’alcool agit comme facteur aggravant : 8000 décès par autres cancers, 7700 par accidents et traumatismes, 7600 par maladies cardio-vasculaires; soit entre 7 et 10 % du nombre annuel de décès (14 % des décès masculins, 3 % des décès féminins). Les hommes meurent cinq fois plus que les femmes de leur consommation excessive d’alcool (Figure n°2).

Figure n°2 : Pourcentage de décès pour lesquels l’alcool agit comme facteur aggravant

Les décès concernent essentiellement la population active et jeune : dans 55 % des cas, ce sont des individus âgés de moins de 65 ans. En 1997, sur 529 640 décès en France, 85 287 (16 %) étaient des décès prématurés (avant 65 ans), dont 42 963 liés à l’alcool et 41 777 liés au tabac.

Toutes causes confondues, les taux de mortalité par alcoolisme, tant pour les hommes que pour les femmes, ont chuté de 13 % entre 1985 et 1995.

Le taux de mortalité de sujets alcoolodépendants traités observé dans les études de suivi varie de 10 à 30 %. La mortalité à long terme chez des sujets alcoolodépendants repérés dans des cohortes en population générale est trois à cinq fois supérieure à celle calculée théoriquement chez des sujets contrôles non alcoolodépendants. L’existence d’une dépendance physique était un facteur de mort prématurée.


Références:

  • Lahmek P, Aubin H-J. Alcoolodépendance : épidémiologie, prévention. In : Encycl Méd Chir, Traité de Médecine Akos, 7-0990,2003.
  • Godeau P, Herson S, Piette J-C. Collection traité de médecine. Quatrième édition. Paris : Médecine-Sciences. Flammarion, 1998..
  • Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ( France ). Plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool, 2004-2008. Paris : La documentation française, 2004.
  • Jeandet-Mengual E. Rapport sur la perspective d’organisation d’États généraux de la lutte contre l’alcoolisme. Paris : La documentation française, 2005.

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