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Mécanismes et physiopathologie de la RCH

La cause de la RCH reste inconnue, mais les progrès de la médecine permettent de s’orienter vers l’existence de facteurs environnementaux.

Par le Dr Didier Mennecier

La cause de la Rectocolite Hémorragique (RCH) reste inconnue, mais les progrès de la médecine permettent de s’orienter vers l’existence de facteurs environnementaux (tabac, alimentation) et favorisants (infections, flores) qui, sur un terrain génétiquement prédisposé, vont entraîner une cascade de réactions qui va aboutir à l’apparition de la maladie.

Approche génétique de la Rectocolite Hémorragique (RCH)

Depuis les années 1950, l’ensemble des données disponibles indique clairement que l’existence d’antécédents familiaux de Maladie Chronique Inflammatoire de l’Instestin (MICI) est le principal facteur de risque de MICI avec donc un facteur génétique.
Cette prédisposition familiale est moins importante pour la RCH que pour la maladie de Crohn et seulement 6% des sujets atteints de RCH ont un ou plusieurs parents atteints de RCH.

Lorsqu’un parent est atteint d’une RCH, les risques de transmission ont été estimés à 1,6 % pour la survenue d’une RCH chez les descendants au premier degré d’un parent atteint. Ces risques sont encore plus importants dans la population juive et passent à 4,5 % en cas de RCH. Si les deux parents sont atteints, le risque de survenue d’une MICI au cours de la vie s’élèverait à 36 %.

Dans les cas très rares de couples où les deux conjoints sont atteints de MICI (Crohn ou RCH), l’analyse de la descendance montre que leurs enfants sont très souvent atteints avec un risque qui est de l’ordre de 30% à 50% après 20 ans. Il s’agit le plus souvent d’une Maladie de Crohn quelque soit la maladie des parents.

La place d’un facteur génétique dans les formes familiales repose sur les études des vrais jumeaux (monozygotes). Pour une maladie purement génétique, l’apparition chez des vrais jumeaux de cette maladie est attendue dans 100% des cas.
Ce n’est pas le cas pour la RCH où le taux de concordance entre jumeaux monozygotes est seulement de 6 % à 19 % pour la RCH. La part environnementale dans l’étiologie de la RCH est donc importante.

La prédisposition génétique, fortement suspectée sur les arguments développés ci-dessus, a été l’objet de nombreux travaux de recherche pour identifier les gènes en cause, mais peu de gènes ont été retrouvés dans la RCH.

Le gène CARD15 (Caspase Recruiment Domain 15) ou NOD2 (Nucleotide Oligomerisation Domain 2), sur le chromosome 16, a été retrouvé comme associé à la maladie de Crohn, mais ce gène n’a pas de rôle dans la RCH.

Seul l’antigène HLA DR2 a été associé à la RCH, surtout au Japon, dans plusieurs études. Il a été rapporté à plusieurs reprises une association entre l’allèle HLA DRB1*0103 et des formes plus sévères de la RCH.

Facteurs environnementaux au cours de la Rectocolite Hémorragique (RCH)

Le facteur le mieux identifié est le tabac

Le tabac protège contre la RCH et améliore son évolution alors qu’il favorise le développement de la maladie de Crohn et aggrave son évolution.
La RCH survient moins fréquemment chez les fumeurs avec un risque relatif de développer cette affection 2,5 fois moins élevé que chez les sujets n’ayant jamais fumé. Cet effet protecteur tend à être d’autant plus marqué que la quantité de cigarettes consommée est élevée.
Environ 10 % des patients sont fumeurs au moment du diagnostic de RCH, alors que le pourcentage de fumeurs est de 25 à 40 % dans la population adulte de même âge et de même origine.
L’effet du tabac semble être seulement suspensif. En effet, le risque de survenue d’une RCH est augmenté chez les ex-fumeurs par un facteur 1,7.

Une fois déclarée, la RCH est moins sévère chez les fumeurs. Elle s’étend moins souvent vers le côlon proximal, elle nécessite plus rarement le recours à la corticothérapie et plus tardivement à la chirurgie. L’arrêt de l’intoxication aggrave la maladie et sa reprise l’améliore.

Enfin, chez les patients qui ont commencé à fumer après le début de la RCH, la fréquence des poussées est diminuée. La nicotine transdermique est un traitement efficace des poussées de RCH, mais ce traitement n’a pas d’effet préventif sur leur survenue.

L’efficacité thérapeutique de la nicotine au cours des poussées de RCH suggère qu’elle est responsable de l’effet bénéfique du tabac dans cette maladie. Au cours de la RCH, il existe une diminution de la production des glycoprotéines du mucus et une augmentation de la perméabilité colique. Le tabac augmente l’épaisseur du mucus et réduit la perméabilité de la muqueuse colique, ce qui pourrait contribuer à protéger les patients ayant une RCH ou susceptibles de l’avoir.

Le tabac est un facteur protecteur dans la RCH

L’appendicectomie

L’appendicectomie réduit le risque de survenue de la RCH d’autant plus que celle-ci est réalisée avant l’âge de 20 ans. C’est la condition inflammatoire de l’appendice qui conduit à l’appendicectomie, plutôt que l’appendicectomie elle-même, qui diminue le risque de développer ultérieurement une RCH.

Lors de l’apparition de la RCH si une appendicectomie antérieure existe, l’évolution de la maladie est moins grave. En revanche, une fois la RCH déclarée, il ne semble pas exister de bénéfice à réaliser une appendicectomie.

Deux théories ont été avancées pour expliquer le rôle protecteur de l’appendicectomie contre la RCH :

La première théorie est que l’appendice en tant que réservoir de bactéries pourrait contenir un antigène ou un agent bactérien responsable de la RCH, disparaissant avec l’appendicectomie.

La seconde théorie est que l’état inflammatoire prédisposant à l’appendicite protégerait contre le développement ultérieur d’une RCH.

Les facteurs alimentaires

La fréquence élevée des MICI en Europe et en Amérique du Nord a inévitablement suggéré une association causale avec certaines habitudes alimentaires, en particulier la consommation importante de glucides raffinés et/ou la réduction de celle des fibres alimentaires.

La survenue d’une RCH, est parfois associée à une augmentation de la consommation de saccharose (sucre de table, confiseries, pâtisseries, boissons sucrées). La consommation d’une quantité importante de viande rouge ou d’alcool pourrait favoriser les rechutes en cas de RCH.

Les facteurs psychologiques

Aucune relation claire n’a été établie avec certitude entre des facteurs psychologiques ou des événements de la vie et l’apparition de la RCH. En revanche, il semble attendu que des adultes jeunes, se sachant porteurs d’une maladie chronique et dont les poussées sont imprévisibles, présentent un retentissement psychologique.

Les contraceptifs oraux

Chez la femme, les études suggèrent que la contraception orale est associée à un risque modérément accru de survenue de RCH de l’ordre de 1,3. Mais cela reste à confirmer.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens

Différentes études ont suggéré que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pouvaient révéler et déclencher des poussées de RCH, sachant que ces molécules peuvent avoir une action délétère sur le tube digestif chez un adulte sain. Ils sont le plus souvent déconseillés chez un patient porteur d’une RCH.

Facteurs « déclenchant » de la RCH

Rôle des agents infectieux

La RCH résulte de l’association de facteurs génétiques et environnementaux qui vont entraîner une activation du système immunitaire de l’intestin. Cette activation pourrait faire intervenir des agents infectieux spécifiques ou non spécifiques. Mais alors que plusieurs facteurs bactériens ou viraux ont été évoqués dans la maladie de Crohn, peu d’éléments apparaissent dans le déclenchement de la RCH.


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