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La maladie de Crohn et RCH lors de la Grossesse

Il est maintenant admis que les traitements médicamenteux associés aux MICI devraient être en général poursuivis pendant la grossesse.

Par le Dr Didier Mennecier

La maladie de Crohn et la Rectocolite Hémorragique jouent-t-elles un rôle lors de la grossesse ?

Pendant la grossesse

Si la Maladie inflammatoire Chronique de l’Intestin (MICI) est en poussé au moment de la conception, il semble exister un risque que la maladie persiste pendant la grossesse. Ainsi, le risque de rechute de la RCH ou de la Maladie de Crohn au cours de la grossesse est d’environ 25% si elles sont inactives au moment de la conception mais est d’au moins 50 % si au contraire elles sont actives.

Les femmes atteintes de MICI doivent donc être informées d’éviter si possible une conception pendant une phase active de leur maladie.

Les risques de complications liées à la grossesse

La présence d’une MICI (RCH, maladie de Crohn) quelque soit le niveau d’activité de la maladie, semble entraîner chez la femme une augmentation du risque de complications liées à la grossesse.
En effet, comparativement à la population générale, le risque de prématurité, de petit poids à la naissance (poids < 2 500 g), de retard de croissance intra-utérin et le risque de fausses-couches spontanées ou thérapeutiques sont augmentés chez les patientes avec une RCH ou une maladie de Crohn. Mais il n’existe pas de risques supplémentaires de malformations congénitales.

Toute grossesse survenant chez une patiente atteinte de MICI doit être considérée comme une grossesse à risque et doit être suivi par une équipe multidisciplinaire (gastro-entérologue, obstétricien, chirurgien colorectal)

Après la grossesse

Il est habituellement considéré que la grossesse n’influence pas de manière significative l’histoire naturelle des MICI. Trois études ont cependant évoqué que la grossesse pourrait diminuer l’activité ultérieure des MICI. Mais il existe plusieurs biais car d’une part l’arrêt du tabac explique probablement certaines améliorations et les femmes envisagent probablement plus facilement une grossesse quand elles sentent que la maladie s’améliore.

Les médicaments utilisés lors des MICI pendant la grossesse

Il est maintenant admis que les traitements médicamenteux associés aux MICI devraient être en général poursuivis pendant la grossesse, étant donné que les bénéfices pour la mère et le fœtus d’un maintien en rémission dépassent largement les risques lies aux traitements.

Les Corticostéroïdes

La Prednisone (Cortancyl®) et la Prednisolone (Hydrocortancyl®, Solupred®) peuvent être utilisées sans restriction particulière pour traiter les MICI chez la femme enceinte. On ne considère pour l’instant pas qu’ils augmentent le risque de malformations. La 11-béta-hydroxygénase placentaire métabolise la prednisone et la prednisolone, aussi le fœtus n’est-il exposé qu’à environ 10 % de la dose maternelle en cas de traitement par l’un ou l’autre de ces deux stéroïdes.
Ils doivent être préférés aux formes à longue durée de vie comme la bétaméthasone et la déxaméthasone. Pour le budésonide à libération intestinale et colique (Entocort®, Rafton®) aucun effet secondaire n’a été rapporté.

Les Sulfasalazine et acide 5 aminosalicylique (5-ASA)

La sulfasalazine (Salazopirine®) et le 5-ASA (Pentasa®, Rowasa® et Fivasa®) administrés à des doses de 2 g/j n’ont aucun effet indésirable spécifique au cours de la grossesse.
La sulfasalazine majore le risque de déficit en folates et compte tenu des besoins accrus en folates au cours de la grossesse et du risque d’anomalie du tube neural en cas de déficit en folates, une supplémentation en acide folique (2 à 5 mg/j) est nécessaire chez les femmes traitées par sulfasalazine désireuses d’avoir un enfant et pendant la grossesse.

En pratique, il est donc recommandé d’utiliser des doses maximum de 2 g/j. Si cette posologie est insuffisante, il faut alors soit avoir recours à une alternative thérapeutique, soit contrôler les reins du foetus par échographie plus régulièrement.

L’Azathioprine et 6-mercaptopurine.

Pour l’azathioprine (Imurel®) et la 6-mercaptopurine (Purinethol®), une étude prospective multicentrique au long cours ne retrouvait pas d’effet néfaste à long terme sur le développement immunitaire des enfants exposés in utero. L’azathioprine est largement utilisé chez les femmes enceintes atteintes de MICI.

Le Méthotrexate

Le méthotrexate est tératogène et responsable d’anomalies chromosomiques et d’avortements. Des malformations sévères ont été rapportées chez des nouveaux nés exposés pendant le 1er trimestre de grossesse, cependant, des grossesses normales ont également été rapportées.

Il faut donc contre-indiquer formellement le méthotrexate au cours de la grossesse et discuter un avortement si une grossesse se déclare chez une femme recevant ce médicament.
Les femmes traitées par méthotrexate doivent être informées de la nécessité d’utiliser une contraception efficace. Plusieurs études ont montré que le risque de malformation n’était pas augmenté quand la mère avait arrêté le méthotrexate avant la conception.

La thalidomide (Thalidomid ®)

Il est hautement teratogène et formellement contre-indiqué pendant la grossesse et l’allaitement.

La Ciclosporine (Neoral®, Sandimmun®)

La ciclosporine n’est pas tératogène mais elle expose à un risque de néphropathie tubulaire chez le fœtus comme chez sa mère. Dans une méta-analyse de quinze études totalisant 410 malades, la prévalence globale des malformations majeures (4,1 %) ne différait pas significativement de celle rapportée dans la population générale.

L’infliximab (Remicade®), l’adalimumab (Humira®) et le Golimunad (Simponi®)

Ces immunoglobulines traversent la barrière placentaire à partir de la 13e semaine de gestation jusqu’à un maximum atteint au cours du troisième trimestre. Par la suite, des taux d’infliximab et d’adalimumab sont détectables jusqu’à 6, voire 12 mois de vie sans nouvelle administration.

Pour ces trois molécules, il est conseillé de suspendre ces traitements au cours du troisième trimestre de grossesse dans le cas de malade en rémission prolongée. Leur poursuite jusqu’au terme doit être discutée au cas par cas dans les situations de maladies actives ou ayant été difficilement contrôlées.

Aucun vaccin vivant atténué (dont le BCG) ne devra être administré jusqu’à six mois de vie. Lorsque les anti-TNF alpha sont poursuivis jusqu’à l’accouchement, ce délai doit être rallongé jusqu’à 12 mois.

Le passage dans le lait maternel des anti-TNF alpha est extrêmement faible et leur utilisation apparaît sûre durant l’allaitement

Le certolizumab (Cimzia®)

Il s’agit d’un fragment Pégylé d’un anti-corps monoclonal humanisé, il ne peut donc traverser le placenta que par diffusion passive. Son utilisation peut donc être en theorie poursuivie pendant toute la grossesse.

Le Védolizumab (Entyvio®)

L’absence de donnée disponible doit pousser pour le moment à la plus grande prudence quant à son utilisation durant la grossesse.

L’Ustékinumab (Stelara®)

Peu de données sont actuellement disponibles. Aucune recommandation ne peut être clairement établie à ce jour.

Les recommandations générales sont résumées sur le tableau suivant.

Légende :


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