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Cirrhose compliquée : Encéphalopathie hépatique

L’encéphalopathie hépatique est l'une des complications de la cirrhose du foie.

Par le Dr Didier Mennecier

L’encéphalopathie hépatique (EH) correspond à l’ensemble des troubles neurologiques ou neuropsychiatriques associés à une cirrhose du foie. Il s’agit de l’une des complications de la cirrhose hépatique.

La prévalence de l’encéphalopathie hépatique clinique concerne 30 à 45 % des patients cirrhotiques avec une incidence de 20 % par an. L’encéphalopathie hépatique peut-être minime est alors beaucoup plus difficilement diagnostiqué avec un retentissement sur la qualité de vie des patients.

En effet, elle augmente les risques de la vie quotidienne (chutes, accidents de la voie publique, etc.) ainsi que l’apparition d’une encéphalopathie hépatique clinique (> 50 % à 3 ans).

Classification clinique de l’encéphalopathie hépatique

L’encéphalopathie hépatique peut être visible cliniquement ou non. On utilise la classification cliniques de West-Haven qui est la plus utilisée et qui classe l’encéphalopathie hépatique en 5 grades. Grades 0 à 1 lorsqu’il n’existe pas de signe clinique et grades 2, 3 et 4 quand sont présents des signes cliniques (Figure n°1).

Figure n°1 : Classification de West-Haven des différents grades d’encéphalopathie hépatique.

Chez les patients ne présentant pas d’encéphalopathie hépatique clinique, certains ont des signes minimes qui apparaissent uniquement lors de la réalisation de tests psychométriques (Grade 0) ou présente de légers signes détectables par un examen poussé (Grade 1). On classe donc ces deux grades, 0 et 1, dans les encéphalopathies hépatiques latentes.

Diagnostic clinique d’une encéphalo­pathie hépatique (Grade 2,3 et 4)

L’encéphalopathie hépatique, lorsqu’elle est cliniquement présente (Grade 2,3 et 4), se caractérise par un tableau de confusion qui peut apparaitre par épisodes aiguës ou sous de façon chronique. Il s’associe fréquemment des signes de désorientation du sujet dans le temps et l’espace. Le cours de la pensée est souvent désorganisée associée à une diminution de l’activité psychomotrice.

Il est recommandé ainsi de rechercher de façon systématique les signes évocateurs suivants :

  • Inversion du rythme nycthéméral (Somnolence la journée et agitation la nuit).
  • Astérixis (ou flapping tremor)
  • Désorientation temporo-spatiale
  • Troubles de la conscience
  • Ralentissement psychomoteur

Le tableau confusionnel est souvent associé à un astérixis ou flapping tremor (Figure n°2) qui permet par sa seule présence de porter le diagnostic d’encéphalopathie hépatique clinique (Grade 2).

Figure n°2 : Signe clinique d’encéphalopathie hépatique : l’astérixis ou flapping tremor

L’inversion du rythme nycthéméral est retrouvée chez la majorité de patients qu’ils présentent une encéphalopathie hépatique clinique ou non.

Diagnostic de l’encéphalopathie hépatique non clinique (Grade 0 et 1)

L’encéphalopathie hépatique latente est un diagnostic difficile car elle se caractérise par un examen neurologique normal. En effet, seule des anomalies peuvent être détectées lors de la réalisation de tests neuropsychologiques et neurophysiologiques et elle doit donc être recherchée chez tous les patients atteints de cirrhose.

Des signes « a minima » doivent être recherchés systématiquement mais attention ils ne sont pas tous spécifiques :

  • Troubles de calcul,
  • Euphorie
  • Anxiété
  • Distractibilité
  • Ralentissement psychomoteur
  • Inversion du rythme nycthéméral.

L’interrogatoire du patient et surtout de son entourage doit faire rechercher des difficultés à réaliser des activités quotidiennes comme la lecture ou regarder la télévision. Le test neuropsychologique constitue l’examen de référence pour le diagnostic en permettant de caractériser ainsi le déficit présent.

Plusieurs tests neuropsychologiques sont utilisés en étant adaptés au profil particulier de l’encéphalopathie hépatique :

  • Psychometric Hepatic Encephalopathy score (PHES)
  • Critical Flicker Frequency test (CFF)
  • Tests dysexécutifs de Stroop
  • Test d’énumération des animaux.


Le test d’énumération des animaux est le test de dépistage le plus simple et le plus rapide, réalisable au lit du patient, et qui consiste à lui demander de nommer le plus grand nombre d’animaux en une minute. La valeur seuil de 20 noms d’animaux en 1 minute semble raisonnable (Figure n°3).

Figure n°3 : Explication pour la réalisation du test des animaux pour dépister une encéphalopathie hépatique minime

Certains préconisent 2 tests anormaux au moins pour poser le diagnostic d’encéphalopathie hépatique latente. Il peut-être proposer de réaliser un test de dépistage par le test des animaux et ensuite soit de réaliser un second test pour confirmer le diagnostic soit de la refaire après un traitement d’épreuve par lactulose ou rifaximine, une amélioration du test après sous traitement sera en effet très en faveur du diagnostic d’encéphalopathie hépatique latente.

Examens complémentaires à réaliser

Même si le diagnostic d’encéphalopathie hépatique est clinique, plusieurs examens paracliniques peuvent aider au diagnostic, en particulier lors d’une première poussée ou si le diagnostic n’est pas certain. Il faudra éliminer des diagnostics différentiels.

Le dosage de l’ammoniémie reste un examen très utilisé pour éliminer des diagnostics différentiels qui sont nombreux chez les patients cirrhotiques avec troubles de la conscience : une ammoniémie normale permet d’éliminer une EH chez un patient cirrhotique atteint d’encéphalopathie.

L’Électro­encéphalogramme (EEG) permet de diagnostiquer une EH minime ou clinique avec des performances correctes. Les anomalies typiques sont un ralentissement et des ondes triphasiques, qui sont retrouvées dans toutes les encéphalopathies métaboliques

L’imagerie cérébrale est surtout nécessaire au cours du premier épisode de l’EH. Elle est indiquée de principe afin d’éliminer une lésion intracrânienne. En effet les patients cirrhotiques suite à une consommation excessive d’alcool ont plus de risque de présenter des hémorragies intracérébrales que la population générale.

Traitement de l’encéphalopathie hépatique

La prise en charge thérapeutique de l’encéphalopathie hépatique clinique et de l’encéphalopathie hépatique minime va tout d’abord reposer sur la recherche systématique de facteurs déclenchant et sa correction

  • Les troubles ioniques essentiellement une hyponatrémie fréquente chez les patients traités par des diurétiques.
  • Un syndrome infectieux lié ou pas à une infection du liquide d’ascite. Attention à ne pas oublier de rechercher une pneumopathie d’inhalation dans ce contexte.
  • Une hémorragie digestive qui peut déclencher une encéphalopathie clinique
  • Une constipation entraine un ralentissement du transit digestif responsable d’une augmentation de la pullulation bactérienne.
  • Une prise de médicaments est à rechercher comme les benzodiazépines qui peuvent favoriser une encéphalopathie hépatique.

Traitement curatif et préventif de l’encéphalopathie hépatique clinique et de l’encéphalopathie hépatique minime repose sur le traitement du ou des facteur(s) précipitant(s) et sur le traitement par lactulose ou lactitol.

L’association albumine +/- lactulose pourrait présenter un intérêt sur la résolution de l’EH clinique.

La rifaximine, antibiotique à large spectre qui possède un faible passage dans le sang qui limite sa toxicité peut-être utilisé même en traitement préventif sans risque de développer des résistances bactériennes.

Prévention de l’encéphalopathie hépatique

La prévention primaire de l’encéphalopathie hépatique repose sur la prévention des facteurs déclenchant et l’éviction des médicaments sédatifs essentiellement.

La prévention secondaire repose sur la prise régulière de lactulose plus ou moins associés à la rifaximine qui peut-être utilisée seule lorsque le lactulose est mal toléré.

Il est suggéré de traiter tous les malades ayant une encéphalopathie hépatique minime afin d’améliorer la qualité de vie et réduire ainsi l’évolution d’une encéphalopathie hépatique clinique.

Des apports énergétiques hebdomadaires de 35-40 kcal/kg doivent être apportés ainsi qu’un apport hebdomadaire en protéines de 1,2-1,5 g/kg.


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