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Causes rares des Pancréatites

A cotés des deux causes principales de pancréatite aiguë, l’alcool et la lithiase biliaire, 20 % sont secondaires à des causes rares.

Par le Dr Didier Mennecier

A cotés des deux causes principales de pancréatite aiguë en France, l’alcoolisme chronique et la lithiase biliaire, il existe 20 % qui sont secondaires à des causes plus rares, qu’il faudra rechercher si il n’existe pas d’alcoolisme ou de lithiase. Ces étiologies moins fréquentes seront à rechercher ou à confirmer dans un second temps.

Pancréatite aiguë métabolique

Une hypertriglycéridémie peut provoquer une pancréatite aiguë parfois sévère dans 1,3 à 3,5% des cas, mais elle doit avoir un taux supérieur à 11 mmol/L. Sachant que le taux normal est compris entre (0,4 à 1,7 mmol/L). Cette hypertriglycéridémie est secondaire à une hyperlipoprotéinémie de type I ou V (voir IV) ou plus rarement à un diabète ou à une maladie alcoolique.

L’hypercalcémie peut entraîner une pancréatite aiguë dans moins d’un pourcent des cas à condition de dépasser le seuil de 3mmol/L. Elle peut être secondaire à une hyperparathyroïdie, plus rarement à la prise de vitamine D, d’un cancer ostéophile ou d’une insuffisance rénale terminale. La calcémie peut être abaissée à la phase précoce de la pancréatite aiguë sévère, il faut donc répéter son dosage plus tardivement et à l’inverse une calcémie normale, ou juste au-dessous de la normale à la phase initiale d’une pancréatite aiguë sévère, n’est pas fréquente et doit attirer l’attention du clinicien.

Pancréatite aiguë infectieuse

De nombreux virus, bactéries et parasites ont été décrits comme responsables de pancréatites aiguës sans que le mécanisme soit totalement élucidé. Le diagnostic sera évoqué devant des signes infectieux spécifiques qu’il faudra rechercher et ayant pu survenir quelques jours à quelques semaines avant l’épisode de pancréatite aiguë.

Il s’agit du virus des oreillons, de la rougeole, du virus de l’immunodéficience humaine (HIV), du virus de l’hépatite virale A, B ou C, du cytomégalovirus, des entérovirus, des coxsackies et échovirus, de l’adénovirus, de l’EBV, de la varicelle, de la rubéole, des herpes virus, de la toxoplasmose.

Des pancréatites aiguës ont été décrites au cours d’infections bactériennes à mycoplasma, Campylobacter jejuni, légionella, leptospirora, mycobactéries (Mycobacterium tuberculosis et avium), salmonelles.

Enfin, les parasites les plus fréquemment impliqués sont l’Ascaris et les cryptosporidies.

Pancréatite aiguë auto-immune

La pancréatite aiguë auto-immune est une maladie rare et de diagnostic difficile. Elle n’est pas obligatoirement associée aux manifestations auto-immunes ou systémiques au moment de l’épisode qui peut précéder ou succéder de plusieurs années la pancréatite aiguë (syndrome de Gougerot-Sjôgren, maladie inflammatoire cryptogénétique intestinale, cholangite). L’imagerie peut orienter le diagnostic devant une forme pseudotumorale à la TDM.

La CP-IRM est plus spécifique en objectivant un système canalaire pancréatique non dilaté, irrégulier, avec de longues sténoses. Le dosage des marqueurs auto-immuns (anticorps antinucléaires, antimitochondries, antiréticulum endoplasmique, latex Waaler-Rose, dosage pondéral des IgG, IgE, IgM, IgA et IgG4) peut aider le diagnostic.

Pancréatite aiguë iatrogène

Les pancréatites post-CPRE sont les plus fréquentes et surviennent essentiellement dans les suites d’une sphinctérotomie endoscopique dans 1 à 10 % des cas selon les études. Il existe toujours une ascension de la lipase après ce geste et son diagnostic est confirmé devant l’association d’un syndrome clinique douloureux abdominal survenant dans les suites immédiates de la CPRE, s’accompagnant d’une élévation significative des chiffres de la lipasémie (> 3 à 5N), nécessitant une hospitalisation de plus de 24 heures et requérant la prise d’antalgiques.

Tout geste chirurgical y compris extra-abdominal peut être responsable d’une pancréatite aiguë mais c’est la chirurgie sus-mésocolique qui est la plus souvent mise en cause comme la chirurgie biliaire (1 à 3%), la chirurgie pancréatique (4 %) et la gastrectomie (1,2 %). Plus rarement, la chirurgie cardiovasculaire, la transplantation rénale et hépatique ont été rapportées.

Pancréatite aiguë tumorales

Il faut rechercher un obstacle d’origine tumoral de façon très rigoureuse en utilisant tous les moyens d’imagerie quel que soit l’âge du patient.
En outre, 5 à 10% des adénocarcinomes pancréatiques se révèlent par une pancréatite aiguë et ce pourcentage atteint 20 à 40% en cas de Tumeurs Intracanalaires Papillaires et Mucineuses du Pancréas (TIPMP). La généralisation de la CP-IRM a fait des TIPMP une cause majeure de pancréatite aiguë non A non B au-delà de 50 ans.

Il ne faut pas considérer une lésion kystique objectivée sur la TDM initiale comme étant un pseudokyste, car celui-ci apparaît tardivement, mais comme une tumeur kystique. De même, toutes calcifications pancréatiques ne sont pas obligatoirement dues à une pancréatites chroniques car 5-10 % des TIPMP sont associées à des calcifications pancréatiques.

Pancréatite aiguë sur Pancreas divisum

C’est la malformation pancréatique la plus fréquente observée chez 5 à 7% des sujets ayant eu une CPRE et chez 10 à 15% des sujets examinés par CP-IRM, chiffre proche de celui des séries autopsiques. Le pancréas divisum provient de l’absence de fusion embryonnaire des ébauches dorsales et ventrales pancréatiques (Figure n°1).

En revanche, sa responsabilité dans la survenue d’une pancréatite aiguë est maintenant remise en cause. Il faut donc le considérer comme une variante anatomique et poursuivre l’enquête étiologique à la recherche d’une véritable cause.

Figure n°1 : Pancréas divisum
(Copyright Johns Hopkins Hospital – Traductions MonHepatoGastro.net)

Pancréatite aiguë génétique

Les causes génétiques doivent être évoquées lorsque la pancréatite aiguë survient avant l’âge de 30 ans dans un contexte d’antécédents familiaux.

Il existe trois familles de mutations :

  • Les mutations du gène CFTR responsables dans les formes sévères de la mucoviscidose, peuvent entraîner des pancréatites aiguës dans les formes mineures, même après 30 ans.
  • La mutation du gène SPINK1 qui provoque lors d’une sur-activation de la trypsine une pancréatite aiguë.
  • La mutation du gène du trypsinogène cationique responsable d’une hyperactivité de la trypsine.

Pancréatite aiguë traumatique

Elle apparaît dans un contexte évident de traumatisme. L’atteinte pancréatique peut passer inaperçue se révélant plusieurs mois plus tard comme une pancréatite obstructive en amont de la contusion abdominale (Figure n°2).

Figure n°2 : Pancréatite aiguë traumatisme
(Copyright Johns Hopkins Hospital – Traductions MonHepatoGastro.net)

Pancréatite aiguë médicamenteuse

De nombreux médicaments ont été incriminés dans la genèse de pancréatite aiguë dont l’incidence dans la population générale est probablement de l’ordre de 1 à 2%. Une base de données informatisée (Pancréatox®) existe en France depuis 1985. Ces pancréatites aiguës sont souvent bénignes et leur diagnostic doit être évoqué en l’absence d’autres causes classiques de pancréatite.

La pancréatite aiguë peut survenir de quelques jours à trois mois après l’introduction du médicament ou après une augmentation des doses. Les PA d’origines médicamenteuses semblent présenter un taux de C-reactive protein (CRP) significativement plus bas que les autres causes.

Pancréatite aiguë idiopathique :

Après réalisation d’un bilan initial aucune cause n’est mise en évidence dans environ 10 à 20 % des cas : on parle alors de PA idiopathique. Dans tous les cas, il convient de pratiquer un nouveau bilan clinique et paraclinique complet à distance de la poussée de PA (deux à trois mois). Ce bilan doit associer des dosages biologiques spécifiques, une TDM de réévaluation et une CP-IRM. Comme nous l’avons vu précédemment pour la pancréatite aiguë d’origine biliaire, l’échoendoscopie, dans ce contexte de pancréatite aiguë idiopathique, permet à distance de poser un diagnostic de lithiase biliaire non mis en évidence initialement dans prés de la moitié des cas.

Ainsi à la fin seulement 5 à 10 % des pancréatite aiguë restent inexpliquées chez l’adulte.


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