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Quels sont les mécanismes de la maladie de Crohn

La cause de la maladie de Crohn reste inconnue, mais les progrès de la médecine permettent de s’orienter vers des facteurs environnementaux.

Par le Dr Didier Mennecier

Quels sont les mécanismes pouvant expliquer la maladie de Crohn ?

La cause de la maladie de Crohn reste inconnue, mais les progrès de la médecine permettent de s’orienter vers l’existence de facteurs environnementaux (tabac, alimentation) et favorisants (infections, flores) qui, sur un terrain génétiquement prédisposé, vont entraîner une cascade de réactions qui va aboutir à l’apparition de la maladie.Ces facteurs environnementaux et favorisants sont multiples et nous les détaillerons par la suite. Nous allons tout d’abord voir les facteurs génétiques de la maladie de Crohn.

Approche génétique de la maladie de Crohn

Dès 1934, le Docteur Crohn décrivait une forme familiale de la maladie et actuellement 8 à 10% des sujets atteints de maladie de Crohn ont un ou plusieurs parents atteints de maladie de Crohn.

Lorsqu’un parent est atteint de la maladie de Crohn, les risques de transmission ont été estimés à 5,2 % pour la survenue respectivement d’une MC chez les descendants au premier degré d’un parent atteint. 

Ces risques sont encore plus importants dans la population juive et passent à 7,8 % en cas de MC. Si les deux parents sont atteints, le risque de survenue d’une MICI au cours de la vie s’élèverait à 36 %.

 Le risque décroît très vite pour les apparentés au deuxième degré (oncle, neveu) puisqu’il est de l’ordre de 10 fois moins.

Dans le cas très rares de couples où les deux conjoints sont atteints de MICI (maladie de Crohn ou RCH) leurs enfants ont un risque de l’ordre de 30% à 50% après 20 ans d’avoir une maladie de Crohn quelle que soit la maladie initiale des parents.

La recherche d’une cause génétique dans ces formes familiales a reposé sur les études des jumeaux ayant une maladie de Crohn. Dans 20 % à 62 % des cas l’un des jumeaux ne développe pas la maladie ce qui confirme l’implication d’autres facteurs favorisants que nous détaillerons par la suite.

Le gène CARD15/NOD2 a été le premier découvert sur le chromosome 16. Son rôle dans la maladie de Crohn est actuellement confirmé. Son rôle est de participer par l’intermédiaire de la paroi bactérienne à la reconnaissance et à la réponse de l’hôte vis à vis de bactéries. Nous voyons donc que la flore ou les infections situées dans le tube digestif peuvent intervenir comme facteur favorisants.

Représentation schématique du gène et de la protéine Card15/Nod2 et les 3 mutations les plus fréquentes

Mais attention ce gène présente des mutations chez seulement 50% des malades et tout de même chez 20% des sujets sains. Le gène n’est donc ni nécessaire ni suffisant pour que la maladie s’exprime.

La valeur diagnostique du génotypage de CARD15/NOD2 ne permet donc pas aujourd’hui de remettre en question les outils diagnostiques classiques que sont la clinique, l’endoscopie, l’histologie, la biologie et la radiologie. Il n’est donc pas utile actuellement de rechercher les sujets à risque de maladie de Crohn pour ce gène.

La valeur diagnostique du génotypage de CARD15/NOD2 ne permet donc pas aujourd’hui de remettre en question les outils diagnostiques classiques que sont la clinique, l’endoscopie, l’histologie, la biologie et la radiologie. Il n’est donc pas utile actuellement de rechercher les sujets à risque de maladie de Crohn pour ce gène.

Facteurs environnementaux au cours des MICI

Le facteur le mieux identifié est le tabac

Le tabac favorise le développement de la maladie de Crohn et aggrave son évolution. La maladie de Crohn survient plus fréquemment chez les fumeurs dont le risque relatif de développer cette affection est 2 fois plus élevé que chez les sujets n’ayant jamais fumé sans relation avec la quantité de cigarettes consommée. Une fois déclarée, la maladie de Crohn a une évolution plus sévère chez les fumeurs même chez ceux dont la consommation est faible (moins de 10 cigarettes par jour). Le nombre de poussées chez le patient ayant une maladie de Crohn est augmenté de 50 % et associé avec une prescription plus fréquente d’une corticothérapie ou d’immunosuppresseurs.

Un patient ayant une maladie de Crohn et qui continue de fumer perd 50 % de chance de pouvoir stabiliser la maladie.

Le tabac est un facteur certain d’aggravation dans la maladie de Crohn

Les facteurs alimentaires n’ont pas été clairement identifiés

Comme nous l’avons décrit, l’existence d’un gradient nord/sud pour la maladie de Crohn et l’apparition d’une maladie de Crohn chez un seul des jumeaux habitant dans un pays différents que son frère a inévitablement suggéré l’alimentation comme facteur favorisant. Il a été retrouvé, mais de façon non certaine, qu’une consommation importante de saccharose (confiseries, pâtisseries, boissons sucrées) et/ou une diminution de la consommation de fibres alimentaires pouvaient favoriser l’apparition d’une maladie de Crohn.

Les facteurs psychologiques

Aucune relation claire n’a été établie avec certitudes entre des facteurs psychologiques ou des événements de la vie et l’apparition de la maladie de Crohn. En revanche, il semble attendue que des adultes jeunes, se sachant porteurs d’une maladie chronique et dont les poussées sont imprévisibles, présente un retentissement psychologique.

Les contraceptifs oraux

Chez la femme, les études suggèrent que la contraception orale peut augmenter le risque de 1,3 dans la survenue de maladie de Crohn. Mais cela reste à confirmer.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens

Différentes études ont suggéré que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pouvaient révéler et déclencher des poussées de maladie de Crohn, sachant que ces molécules peuvent avoir une action délétère sur le tube digestif chez un adulte sain. Ils sont le plus souvent déconseillés chez un patient porteur d’une maladie de Crohn.

Facteurs « déclenchant » de la maladie de Crohn

Rôle des agents infectieux spécifiques

La maladie de Crohn résulte de l’association de facteurs génétiques et environnementaux qui vont entraîner une activation du système immunitaire de l’intestin.
Cette activation pourrait faire intervenir des agents infectieux spécifiques comme le virus de la rougeole, mais aussi des virus ou des bactéries qui touchent préférentiellement le tube digestif. L’augmentation de l’incidence de la maladie de Crohn en Suède dans les années 1950 de façon concomitante à une épidémie de rougeole a fait évoquer un lien entre ces deux phénomènes. Mais il n’existe actuellement aucun lien démontré entre le virus de la rougeole et/ou un antécédent de vaccination contre la rougeole dans la survenue d’une maladie de Crohn.

Il a été montré que les lésions de la maladie de Crohn se situent essentiellement au niveau des zones riches en tissus lymphoïde au niveau de l’iléon (plaques de Peyer) qui sont aussi atteintes lors des affections intestinales virales (rotavirus, astrovirus) ou bactériennes (salmonella, shigella). D’autres bactéries semblent être plus présentes dans le tube digestif chez les patients ayant une maladie de Crohn comme le Mycobacterium paratuberculosis et la listeria monocytogene.

Mais les arguments en faveur de l’intervention d’un agent infectieux spécifique à l’origine de la maladie de Crohn sont actuellement non confirmés.

Rôle des agents infectieux non spécifiques ou de la Flore du tube digestif

La flore que nous avons dans le tube digestif est constituée de nombreux germes bactériens mais qui vivent en équilibre avec notre système immunitaire. Elle est dite « endogène » (à l’intérieur) et « saprophyte » (qui vit dans l’organisme sans provoquer de maladie). Lorsqu’il existe un déséquilibre (infections, prises d’antibiotiques) des troubles digestifs apparaissent.

Dans la maladie de Crohn, le rôle de cette flore intestinale semble exister. En effet, après une résection chirurgicale lors d’une maladie de Crohn de l’iléon terminal avec anastomose iléo-colique une récidive endoscopique survient jusqu’à 80% des cas à un an.

Il existe une modification de la flore bactérienne au niveau de cette anastomose avec une colonisation par une flore intestinale de type colique constituée en grand nombre d’Echerichia coli et d’Entérocoque. Cette modification de la flore intestinale n’apparaît pas chez les sujets présentant la même intervention pour une autre cause.

La flore intestinale semble avoir une action sur le système immunitaire par l’intermédiaire des lipopolysaccharides qui interviennent comme activateur notamment sur les macrophages, les polynucélaires et les lymphocytes qui agissent dans la réponse de défense de l’organisme. La protéine NOD 2 en particulier (que nous avons décrit dans les facteurs génétiques), intervient dans cette réponse immunitaire.

Pour intervenir sur cette flore intestinale, l’utilisation des probiotiques qui sont des micro-organismes non pathogènes ingérés vivant sous la forme de médicaments ou de produits alimentaires semblent avoir une efficacité dans le maintien de la rémission ou de prévention de la rechute de la maladie de Crohn.
De la même façon, l’utilisation de prébiotiques qui sont eux des éléments alimentaires non digestibles (Psyllium) semblent aussi améliorer les patients, avec une efficacité dans la maladie de Crohn aussi efficace que la sulfasalazine dans le maintien de la rémission.


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