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Traitement de la maladie de Crohn

Le traitement médical de la maladie de Crohn comporte plusieurs thérapeutiques qui peuvent être associées pour une meilleure efficacité.

Par le Dr Didier Mennecier

Le traitement médical de la maladie de Crohn comporte plusieurs thérapeutiques : les dérivés salicylés : Pentasa®, Rowasa® et Fivasa®; les corticoïdes à action systémique : Prednisone (Cortancyl®), Prednisolone (Hydrocortancyl®, Solupred®), Méthylprednisolone (Médrol®, Solu-Médrol®) et à action topique : budésonide (Entocort®); les immunosuppresseurs : L’azathioprine (Imurel®) et la 6-mercaptopurine (Purinethol®); les Anti-TNF : l’infliximab (Rémicade®), l’adalimumab (Humira®) et le Certolizumab (Cimzia®); Plus recement des anticorps monoclonaux, le Védolizumab (Entyvio®) et l’Ustékinumab (Stelara®)

Les dérivés salicylés

Les dérivés salicylés sont les plus anciens médicaments utilisés dans les MICI. La sulfapyridine (Salazopirine®) est le premier médicament de cette famille qui a connu depuis de nombreux dérivés. Le principe actif de tous ces produits est l’acide 5 aminosalicylique ou 5-ASA (mésalazine). L’action du 5-ASA est une action locale (topique) qui ne passe pas par la voie systémique (le sang).

Les produits agissant aussi bien au niveau du grêle que du côlon sont les plus fréquemment utilisés : Pentasa®, Rowasa® et Fivasa®.
– Le Pentasa® (Ferring) est composé de microgranules enrobées d’une pellicule d’éthylcellulose. Il est à délitement chrono-dépendant et indifférent au pH, au temps de transit intestinal et à la flore colique. La libération du 5-ASA se fait à 80% dans l’intestin grêle et le reste dans le côlon. Ce produit peut être administré sous forme de comprimés ou de sachets de granulés à délitement prolongé.

– Le Rowasa® (Abbott) est composé de comprimés à enrobement d’eudragit, à délitement pH-dépendant.

– Le Fivasa® (Norgine Pharma) est enrobé d’eudragit et de copolymère d’acide métacrylique et métacrylate de méthyle, le rendant gastro-résistant et permettant un délitement essentiellement dans l’iléon distal et le côlon.

Dans la maladie de Crohn, la place des 5-ASA est moins importante que dans la Rectocolite Hémorragique. Ils peuvent être utilisés dans les formes modérées mais entraînent moins de rémissions cliniques que la corticothérapie. Ils semblent en revanche efficaces dans la prévention des rechutes post-opératoires.

Les corticoïdes à action systémique et à action topique

Les corticoïdes à action systémique sont la Prednisone (Cortancyl®), la Prednisolone (Hydrocortancyl®, Solupred®), la Méthylprednisolone (Médrol®, SoluMédrol®) (Télécharger la fiche) et à action topique le budésonide (Entocort®, Mikicort®) (Télécharger la fiche)

Ils sont efficaces dans les poussées modérées à sévères de la maladie de Crohn avec des taux de rémission plus élevés à la posologie de 1 mg/kg/jour. C’est cette posologie qui est préconisée en France pour le traitement d’induction de la rémission des poussées modérées à sévères de la maladie de Crohn.

Dans les formes modérées de la maladie de Crohn de localisation iléale terminale ou iléocolique droite, un traitement initial par budésonide (Entocort®, AstraZeneca ou Mikicort®, Mayoly Spinder) peut être proposé aux malades. La posologie optimale étant de 9 mg/j.
Ce traitement est plus efficace que la mésalazine et un peu moins efficace que la corticothérapie classique mais apparaît mieux toléré.

Le budésonide peut-être prescrit aussi en prolongation de la rémission de la maladie de Crohn iléale terminale ou iléocolique après un traitement d’attaque à la dose de 6 mg/j et en traitement d’entretien pour une durée maximale de 9 mois à la dose de 6 mg/j dans les mêmes formes dans l’attente de l’efficacité d’un traitement immunosuppresseur, en substitution des corticoïdes à action systémique chez les patients corticodépendants à des doses inférieures ou égales à 30 mg/kg/j d’équivalent-prednisone.

Il peut exister une corticorésistance et/ou une corticodépendance :
Dans certains cas peut apparaître une corticorésistance, les malades ne répondant pas aux corticoïdes. La corticodépendance est défini par une rechute de la maladie lorsque les doses de corticoïdes diminuent ou qui rechutent dans les 30 jours suivant l’arrêt des corticoïdes. Il n’y a pas vraiment de dose pour définir cette corticorésistance mais elle apparaît le plus souvent pour des doses de 15 à 20 mg/jour.

Les immunosuppresseurs

Les immunosuppresseurs occupent aujourd’hui une place importante dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). On estime à près à 56% le nombre de patient traité actuellement par ces molécules.

L’azathioprine (Télécharger la fiche) et la 6-mercaptopurine (Télécharger la fiche) constituent un des traitements les plus efficaces pour prévenir les rechutes dans la maladie de Crohn.
L’azathioprine (Imurel®, GSK) est prescrit à la posologie de 2 à 2,5 mg/kg/24h. La 6-mercaptopurine (Purinethol®, GSK) son métabolite (c’est à dire que l’azathioprine se dégrade dans l’organisme en 6-mercaptopurine) est utilisé à une posologie moindre (1-1,5 mg/kg/24h).
Il s’agit de molécules qui vont mettre beaucoup de temps à agir et avant de conclure à l’échec de ce type de traitement, votre médecin s’assurera que le traitement a été pris régulièrement, à une posologie adaptée et pendant au moins 3 mois.

Le méthotrexate (Télécharger la fiche) peut être efficace chez des patients résistants à l’azathioprine. La posologie utilisée est de 25 mg par semaine, par voie intramusculaire.

Il est classiquement admis qu’il n’est pas justifié d’utiliser un immunosuppresseur après une première poussée de MICI, dans la mesure où celle-ci répond favorablement au traitement habituel.
Cette règle n’est pas obligatoire et il existe une tendance actuellement à proposer ce traitement après une poussée qui a justifié une corticothérapie. Ce traitement immunosuppresseur peut être envisagé en revanche, dès la première poussée, si celle-ci a été sévère et a nécessité un traitement par anti-TNF ou lorsque les malades présentent une contre-indication sérieuse à la corticothérapie (psychose maniaco-dépressive, glaucome…).

Les anti-TNF (anti tumour-necrosis factor)

Le tumour-necrosis factor (TNF) est une cytokine pro-inflammatoire qui joue un rôle clé dans la pathogénie de la maladie de Crohn.
Au début des années 1990, le développement des biothérapies (ou thérapies biologiques ciblées) a révolutionné la prise en charge des patients atteints de maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) qui ont résisté au traitement médical standard (corticoïdes, immunosuppresseurs). Il a depuis été démontré que les anti-TNF diminuaient le recours à la chirurgie, réduisaient le nombre d’hospitalisations, permettaient un sevrage des corticoïdes et une cicatrisation muqueuse endoscopique et amélioraient la qualité de vie des malades, en plus d’entraîner une mise en rémission de la maladie qui persiste chez environ un tiers des malades après un an de traitement.

L’infliximab (Rémicade®, Schering Plough) (Télécharger la fiche) est un anticorps monoclonal chimérique (chimère) c’est-à-dire qu’il est produit selon la technologie des ADN recombinants, composés d’une chaîne constante humaine (75 % de la molécule) et de régions variables murines (25 % de la molécule). Il est utilisé à une dose de 3 mg/kg. Après une perfusion, la molécule reste présente dans l’organisme pendant 2 à 3 mois c’est la raison pour laquelle une perfusion toutes les 8 semaines est réalisée en traitement d’entretien. Il est administré par voie intra-veineuse.
Le schéma d’administration est un traitement d’induction par perfusion de 5mg/kg tous les 15 jours pendant 6 semaines (soit 3 injections) puis un traitement d’entretien par perfusions de 5 mg/kg toutes les 8 semaines.

L’adalimumab (Humira®, Abbott) (Télécharger la fiche) est un anticorps monoclonal 100 % humain recombinant de type IgG1. Cette immunoglobuline a été produite par la technologie d’expression des phages « phage display », ce qui a permis d’insérer des régions variables complètement humaines dans les chaînes lourdes et légères de l’IgG1. La demi-vie moyenne est de 2 semaines ce qui explique le schéma d’administration avec une injection sous-cutanées toutes les 2 semaines.
Le schéma posologique d’induction recommandé est de 80 mg suivis de 40 mg, 15 jours après. Un schéma plus important peut-être utilisé dans certains cas avec une dose de 160 mg (la dose peut être administrée sous forme de 4 injections par jour ou de 2 injections par jour pendant 2 jours consécutifs) puis 80 mg 15 jours après. Après le traitement d’induction, la posologie recommandée est une dose de 40 mg administrée toutes les 2 semaines.

L’infliximab et l’adalimumab sont indiqués dans la maladie de Crohn active, sévère, chez les patients qui n’ont pas répondu à un traitement approprié et bien conduit par un corticoïde et/ou un immunosuppresseur ou chez lesquels ce traitement est contre-indiqué ou mal toléré .
L’infliximab a aussi une indication dans la maladie de Crohn active fistulisée n’ayant pas répondu à un traitement conventionnel approprié et bien conduit (comprenant antibiotiques, drainage chirurgicale et immunosuppresseurs).

Le Certolizumab (Cimzia®, UCB Pharma) (Télécharger la fiche) a fait l’objet de plusieurs études le comparant au placebo Bien que la plupart de ces travaux ait démontré qu’il était plus efficace qu’un placebo, le certolizumab pegol n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (A.M.M.) dans la maladie de Crohn en France. Il est en revanche autorisé et commercialisé dans cette indication dans d’autres pays tels que les États-Unis, le Canada et la Suisse. En France, ce traitement peut être obtenu sous certaines conditions si votre médecin en fait la demande auprès de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (A.F.S.S.A.P.S.). Il s’agit d’une procédure spéciale, appelée Autorisation Temporaire d’Utilisation (A.T.U) nominative.

Les Anticorps monoclonaux

Le Védolizumab (Entyvio®, Takeda)

Le mécanisme d’action du Vedolizumab (Télécharger la fiche) est donc tout à fait différent des anticorps anti-TNF. Le vedolizumab est un anticorps monoclonal de type IgG1, c’est-à-dire une molécule très ciblée pour neutraliser de façon spécifique l’intégrine Alpha4-ß7 humaine. Cet anticorps produit grâce à la biotechnologie est humanisé à 100 %. Lorsque l’on effectue une injection de vedolizumab, celui-ci reste présent dans l’organisme pendant 3 à 4 mois avant d’être éliminé.

Le traitement est identique pour la rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn : la dose de 300 mg de vedolizumab contenue dans chaque perfusion est administrée une première fois, puis 2 et 6 semaines plus tard, et ensuite toutes les 8 semaines.

Le vedolizumab est administré en milieu hospitalier sous forme d’une perfusion intraveineuse sur une durée de 30 minutes. Lors des deux premières perfusions, une surveillance pendant la perfusion et dans les deux heures qui suivent est demandée. Une heure de surveillance suffit lors des perfusions suivantes.

L’Ustékinumab (Stelara®)

L’ustekinumab (Télécharger la fiche) est un anticorps monoclonal ciblant la sous-unité p40 commune à l’interleukine 12 et 23. Ces interleukines sont surexprimées dans la maladie de Crohn (MC) expliquant l’intérêt de la molécule dans cette maladie. L’ustekinumab est déjà utilisé dans le psoriasis et le rhumatisme psoriasique.

La Société Nationale Française de Gastro-Entérologie et l’Association François Aupetit ont demandé l’obtention d’une RTU pour l’ustekinumab en cas de MC en « impasse thérapeutique ». Les autorités ont accepté cette RTU avec le libellé suivant : « Patients atteints d’une MC en échec thérapeutique des anti-TNF (quelle que soit la molécule) et au védolizumab (anti-intégrine) ou intolérants à ces produits ».
La dose suggérée est de 6 mg/kg IV à l’induction puis de 90 mg en SC toutes les 8 semaines. Une validation de l’indication par une réunion de concertation est demandée.


Références :

  • Amiot A, Bouhnik Y. Le vedolizumab dans la vraie vie. Hépato Gastro 2016 ; 23 : 10-16.
  • Roblin X, Del Tedesco E, Filippi J. Ustekinumab : une recommandation temporaire d’utilisation dans la maladie de Crohn. Hépato Gastro 2017 ; 24 : 6-9.
  • Akoben A, Gardener E. Oral 5-aminosalicylic acid for the maintenance of medically-induced remission in Crohn’s disease. Cochrane database Syst Rev ; 2005 ; Janvier 25 ;(3) : CD003715.
  • Malchow H, Ewe K, Brandes JW, Goebell H, Ehms H, Sommer H, Jesdinsky H (1984) European Cooperative Crohn’s disease Study (ECCDS): results of drug treatment. Gastroenterology 86:249-66.
  • Otley A, Steinhardt AH (2005) Budesonide for induction of remission in Crohn’s disease. Cochrane Database Syst Rev 19:CD000296.
  • Bouhnik Y, Lémann M, Mary JY, Scemama G, Tai R, Matuchansky C, Modigliani R, Rambaud JC. Long-term follow-up of patients with Crohn’s disease treated with azathioprine or 6-mercaptopurine. Lancet 1996 ; 347 : 215-9.
  • Peyrin-Biroulet L, Deltenre P, de Suray N, Branche J, Sandborn WJ, Colombel JF. Efficacy and Safety of Anti-tumour Necrosis Factor Agents in Crohn’s Disease: a Meta-Analysis of Placebo-Controlled Trials. Clin Gastroenterol Hepatol 2008 Jun;6(6):644-53.
  • Hanauer SB, Feagan BG, Lichtenstein GR, et al. Maintenance infliximab for Crohn’s disease: the ACCENT I randomised trial. Lancet 2002;359:1541-9.
  • Colombel JF, Sandborn WJ, Rutgeerts P, et al. Adalimumab for maintenance of clinical response and remission in patients with Crohn’s disease: the CHARM trial. Gastroenterology 2007;132:52-65.

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