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Traitement de l’hépatite B

L'objectif principal du traitement est d'obtenir une guérison qui va se traduire par une disparition de l’AgHbs et l’apparition de l’anticorps antiHbs.

Par le Dr Didier Mennecier

Le traitement de l’hépatite virale chronique B a considérablement progressé au cours de ces dernières années. L’objectif principal du traitement est d’obtenir une guérison qui va se traduire par une disparition de l’AgHbs et l’apparition de l’anticorps antiHbs. C’est ce que l’on appelle la « séroconversion Hbs ». Cette séroconversion est très tardive est peu apparaître plusieurs années après la mise en place du traitement. C’est pour cette raison que la décision de la mise en place d’une thérapeutique doit être bien évalué par le médecin.

Pourquoi débuter un traitement si nous ne savons pas en combien de temps aura lieu la guérison ?

Il faut comprendre que le traitement va surtout entraîner assez rapidement une suppression durable de la réplication virale que l’on appelle un réponse virologique. Cette réponse virologique va se traduire par la diminution, voire la non détectabilité de la charge virale du virus de l’hépatite B, la normalisation de l’activité des transaminases (ASAT et ALAT), la négativation de l’antigène HBe (AgHBe), suivie ou non de la détection des anticorps anti-HBe pour le virus sauvage et l’amélioration des lésions histologiques du foie.

Cette disparition de la réplication virale va donc améliorer les lésions histologiques du foie et donc va réduire le risque d’évolution vers la cirrhose, l’insuffisance hépatocellulaire et le carcinome hépatocellulaire.

Quels sont les traitements disponibles ?

Plusieurs molécules sont disponibles pour le traitement de l’hépatite chronique virale B. Nous ne détaillerons que leur mécanisme d’action, leur date de mise sur le marché en Europe (AMM), leur efficacité et leur taux de résistance.

L’interféron pégylé alpha-2a, Pegasys® – Laboratoire Roche

L’interféron pégylé alpha-2a est actuellement préféré aux interférons conventionnels. C’est le seul traitement qui permet à 3 ans d’obtenir une séroconversion de l’AgHbs après 1 an de traitement chez 10% des patients ayant une charge virale négative. Les inconvénients de l’interféron sont l’administration sous-cutanée et la fréquence des effets secondaires.

Les Analogues de nucléos(t)ide

Les avantages des analogues sont la rapidité et la puissance de l’effet antiviral avec après un an de traitement une charge virale indétectable chez 70 % des malades AgHbe + et dans 90 % des malades AgHBe -, la prise orale et l’excellente tolérance.
Les inconvénients par rapport à l’interféron sont la nécessité d’une durée indéfinie du traitement chez la plupart des patients et le risque de résistance à long terme pour les anciennes molécules.

La lamivudine, Zeffix® – Laboratoire GlaxoWellcome

La lamivudine est un puissant inhibiteur de la réplication du VHB par inhibition des activités ADN- et ARN-dépendantes de l’ADN polymérase des hepadnavirus. Il est mis sur le marché depuis 1998. Il est prescrit à la posologie de 100mg/j. Il s’agit d’une molécule bien tolérée mais l’ensemble des données indique un taux de résistance à la lamivudine d’environ 20 % par année de traitement jusqu’à un plateau d’environ 70 ou 75 % à 5 ans. Cette résistance importante fait que cette molécule n’est que très rarement prescrit actuellement.

L’adéfovir, Hepsera® – Laboratoire Gilead

L’adéfovir inhibe l’action des ADN polymérases et des transcriptases inverses. Il a l’AMM en Europe depuis Mars 2003.Il est efficace à une posologie de 10mg/j pour le contrôle de la multiplication virale du VHB incluant les souches sauvages, mutantes pré-C ou d’échappement à la lamivudine avec très peu d’effets indésirables. L’incidence des résistances à l’adéfovir dipivoxil est de 0, 3, 11, 18, et 29 % après respectivement 1, 2, 3, 4 et 5 ans de traitement.

L’entécavir, Baraclude® – Laboratoire Bristol-Myers Squibb (BMS)

L’entécavir a une activité inhibitrice de la transcriptase inverse. Il a l’AMM en Europe depuis Juillet 2006. Il est prescrit à une posologie de 0,5 mg/j. L’efficacité antivirale, l’amélioration biochimique, la séroconversion anti-HBe et l’amélioration histologique sont supérieures à ce qui est observé avec la lamivudine. Le profil de résistance à l’entécavir ont montré que la prévalence de la résistance déterminée restait inférieure à 1 % après 1, 2, 3 et 4 ans de traitement chez les malades naïfs. Par contre, l’incidence de la résistance à l’entécavir chez les patients résistant à la lamivudine est de 1, 10, 27 et 39 % après respectivement 1, 2, 3 et 4 ans de traitement.

La telbivudine, Sebivo® – Laboratoire Novartis

La telbivudine est un analogue de nucléoside dont les premières études cliniques ont montré une efficacité antivirale supérieure à la lamivudine en terme de réduction de la charge virale mais avec un taux de résistance qui se situe entre 8 et 22 % à 2 ans.

Le ténofovir, Viread® – Laboratoire Gilead

Le ténofovir, comme l’adéfovir, est un analogue de la didéoxy-adénosine et sa structure est comparable à celle de l’adéfovir. Le ténofovir disoproxil fumarate est un analogue nucléotidique. Il est utilisé dans le traitement du VIH depuis le début des années 2000 mais il n’a l’autorisation de mise sur le marché pour l’hépatite virale B depuis seulement Juin 2008. Il est prescrit à la dose de 300mg/j. Il ne semble pas avoir de résistance.

Quels sont les avantages et les inconvénients des différentes molécules ? :

L’interféron pégylé présent l’avantage d’une durée limitée du traitement de 1 an et l’absence de résistance. La réponse virologique prolongée après l’arrêt du traitement avec une séroconversion HBe est observée chez seulement un tiers des patients à court terme et un ADN du VHB indétectable est observé chez 17% des patients HBe négatif. Cependant à long terme une séroconversion HBs est observée chez prés de 10% des patients.
Les inconvénients de l’interféron sont l’administration sous cutanée et la fréquence des effets secondaires bien que la tolérance du traitement semble meilleure dans l’hépatite B par rapport à l’hépatite C.

Les analogues de première génération : L’adéfovir engendre des taux élevés de résistance. La telbivudine est un puissant inhibiteur du virus mais il présente lui aussi une incidence élevée de résistance. La lamivudine molécule ancienne, engendre des taux très élevés de résistance par monothérapie.

Les analogues de deuxième génération : L’entécavir et le ténofovir sont de puissants inhibiteurs du VHB et ils ont une haute barrière de la résistance.
Les avantages du traitement par les analogues de deuxième génération sont la rapidité et la puissance de l’effet antiviral avec, après un an de traitement, une charge virale indétectable respectivement chez 70% et 90% des patients Ag HBe + et Ag HBe-. La prise orale est unique et il existe une excellente tolérance.

Quelles sont les indications de la biopsie hépatique ?

La biopsie hépatique est inutile chez les malades de moins de 30 ans mais doit être envisagée au-delà.

Les malades ayant des ALAT strictement normales et un ADN du VHB compris entre 2 000 et 20 000 UI/ml, doivent bénéficier d’une surveillance initiale (ALAT / 3 mois et ADN du VHB / 6 mois) pendant 3 ans, puis tous les 6-12 mois à vie. Le fibroscan pour éliminer la possibilité d’une fibrose peut-être proposé chez ces malades.

Les malades ayant un ADN du VHB > 20 000 et des ALAT > 2N ont une fibrose significative dans prés de 90%. Il est donc inutile la réaliser une biopsie, un fibroscan est nécessaire pour faire le diagnostic de cirrhose.

Dans les autres situations, la biopsie reste indiquée et les tests non invasifs jugés insuffisamment validés pour être aujourd’hui utilisés.

Quelles sont les indications de traitement antiviral ?

Le traitement est indiqué:

  • Chez les malades ayant un ADN du VHB > 2 000 /ml et des lésions histologiques significatives (>A1 ou >F1) indépendamment du niveau des ALAT.
  • Chez les malades ayant un ADN du VHB > 20 000 UI/ml et des ALAT > 2N sans nécessité de biopsie.
  • Chez les malades cirrhotiques ayant un ADN du VHB détectable quel que soit sa valeur.
  • Les patents présentant une phase d’immunotolérance strictement définies par un Ag Hbe positif, des transaminases normales et un DNA très élevé > 2.106 UI n’ont que des lésions histologiques minimes et ne doivent pas être traitées.

Quel traitement proposer ?

Les deux stratégies thérapeutiques disponibles, l’interféron alpha pégylé (Peg-IFN) et les analogues de deuxième génération : entécavir (ETV) ou ténofovir (TDF) en monothérapie sont actuellement les deux options thérapeutiques possibles.

La durée du traitement doit être de 48 semaines pour le Peg-IFN. Pour les analogues, une durée finie de traitement peut uniquement être envisagée chez les malades non cirrhotiques, au départ AgHBe(+) et ayant une séro-conversion HBe, après une durée additionnelle de traitement de 12 mois après la séro-conversion pour limiter le risque de séro-réversion, qui reste toutefois de l’ordre de 20%

Quels sont les critères de réponse et d’arrêt au traitement avec le Peg-IFN ?

Chez les malades AgHBe(+), l’objectif est la séro-conversion HBe durable, associée à une normalisation des ALAT et à un ADN du VHB durablement < 2 000 UI/ml (ou indétectable). Les malades ayant à 3 mois un ADN du VHB > 20 000 UI/ml ou une absence de diminution de l’AgHBs ont une très faible probabilité d’obtenir une réponse durable, et l’arrêt précoce du traitement doit être envisagé.
Chez les malades AgHBe(-), l’absence de diminution de l’AgHBs associée à une diminution de moins de 2 log de la charge virale doit conduire à un arrêt précoce du traitement pour inefficacité.

Quels sont les critères de réponse avec les analogues ?

L’objectif du traitement par analogue est l’obtention d’un ADN du VHB indétectable en PCR en temps réel. En l’absence de négativation de l’ADN du VHB à 12 mois, il n’est plus nécessaire d’envisager un renforcement thérapeutique si une décroissance régulière existe tous les 3 mois. C’est seulement en cas de plateau, que l’ajout d’une deuxième molécule sera envisagé après avoir vérifié l’observance thérapeutique.

Comment gérer les résistances ?

Les résistances aux analogues de deuxième génération sont très rares avec l’entécavir et non décrites avec le ténofovir. En cas de rebond virologique avec l’une de ces molécules, un défaut d’observance est la cause la plus fréquente.
En cas de résistance documentée à l’entécavir, le remplacement ou l’ajout de ténofovir sont deux options possibles.
Chez les malades ayant antérieurement développé une résistance à la lamivudine (LAM), un traitement par ténofovir en monothérapie est recommandé. Pour les malades ayant une résistance documentée à l’adéfovir, le remplacement par entécavir ou par une association l’adéfovir + ténofovir sont deux options possibles.

Peut-on arrêter un traitement par analogue chez les malades AgHBe(-) ?

Lors d’un traitement par analogue, les chances de perte de l’AgHBs sont très faibles chez les malades AgHBe(-) et le traitement doit être poursuivi à vie dans la grande majorité des cas, avec l’objectif de maintenir un ADN du VHB indétectable. Une étude a d’évalué l’impact d’un arrêt du traitement antiviral chez des malades contrôlés. Il s’agissait d’une étude de petite taille mais intéressante. 33 malades non cirrhotiques traités par adéfovir (ADV) depuis quatre à cinq ans et ayant un ADN du VHB non détectable ont été inclus.
Le traitement par ADV a été interrompu chez tous les malades, qui ont ensuite été suivis pendant un délai médian de 69 mois. Une réapparition précoce (un à deux mois) de l’ADN du VHB était observée chez tous les malades, accompagnée dans 76% des cas d’une augmentation des transaminases.
Cette réapparition était toutefois peu importante et transitoire chez 18 malades (55%), dont l’ADN du VHB restait ensuite négatif sans traitement jusqu’à la fin du suivi. Parmi eux, une perte de l’AgHBs était observée chez 13 malades (72%), suivie d’une séroconversion HBs dans 9 cas.
15 malades ont reçu un nouveau traitement (par ADV ou LAM), soit en raison d’un ADN du VHB détectable de manière persistante, soit précocement à la demande des malades. Une réponse virologique était observée dans tous les cas, mais aucune perte de l’AgHBs n’était observée. Les paramètres associés à la perte de l’AgHBs après arrêt du traitement ont ensuite été analysés. Il s’agissait, en analyse multivariée, d’un niveau initial d’ADN du VHB plus faible (5,9 versus 6,4 log UI/ml), d’un niveau plus élevé d’ALAT (33 versus 24 UI/l) et d’un niveau plus faible d’AgHBs quantitatif (1733 versus 4905 UI/ml) au moment de l’arrêt de l’ADV.

En conclusion, cette étude suggère que l’arrêt d’un traitement par ADV après une longue période de contrôle virologique s’accompagne, dans plus de la moitié des cas, d’une réponse virologique durable conduisant fréquemment à la perte de l’AgHBs. L’hypothèse d’un rebond immunitaire favorisé par l’arrêt du traitement est suggérée. Ces résultats très intéressants doivent toutefois être confirmés avant de modifier nos pratiques, et cette attitude ne doit en aucun cas être proposée aux patients cirrhotiques qui sont à risque de réactivations sévères.


Références :

  • Hadziyannis SJ, Sevastianos V, Rapti I, Vassilopoulos D, Hadziyannis E. Sustained responses and loss of HBsAg in HBeAg-negative patients with chronic hepatitis B who stop long-term treatment with adefovir.Gastroenterology. 2012 Sep;143(3):629-36
  • European Association for the Study of the Liver. EASL clinical practice guidelines: management of chronic hepatitis B. J Hepatol 2012;57:167–185.
  • European Association for the Study of the Liver. EASL clinical practice guidelines: management of chronic hepatitis B. J Hepatol 2009;50:227–242.

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